Le
radiologue de l'entrepreneur individuel au gestionnaire de groupe
un métier et une entreprise
collective .
La
formation du radiologue
La
formation de radiologue est aujourd'hui obligatoirement hospitalière
par l'internat et l'assistanat. La voie du CES de radiologie s'est
définitivement éteinte . Cette ancienne dualité de formation avait
des conséquences sur la vision individuelle ou collective de
l'exercice radiologique . Seuls, les CES tentaient de créer leur
cabinet isolément ou avec un collègue de formation ,nombre de
cabinets actuels se sont créés ainsi avec des bonheurs variés .La
formation par l'internat, ancienne formule, avait une autre culture
médicale aussi non radiologique pure car comportant des stages en
responsabilité dans des services cliniques. Cela conduisait à une
autre vision de l’imagerie et plutôt vers un exercice hospitalier
ou en clinique . Ces derniers ne concevaient pas d'autre mode
d'exercice qu'en groupe soit dans un hôpital soit s'agrégeant avec
des groupes existants autour des cliniques ou des plateaux lourds.
Cette
formation radiologique ,maintenant univoque, est celle de l'internat
.Elle présente cependant toujours quelques différences avec
l’ancien internat qui comportait souvent un cursus hospitalier
clinique dans différentes spécialités d’organe avant d’intégrer
le département d’imagerie ; Cela donnait aux radiologues de
cette génération une culture clinique importante replaçant la
radiologie dans le parcours du patient et dans le contexte du soin
de la maladie . L’évolution technologique majeure et les réformes
de l’internat préparent maintenant essentiellement, le médecin
radiologue en formation dans le service d’imagerie en un
spécialiste sous l'angle technique et scientifique. Il enrichit sa
formation en fonction des stages qu’il effectue dans les différents
services radiologiques d'orientation variée selon les organes
explorés ou l'organisation hospitalière .Cette formation a perdu un
peu de son contact avec la pratique clinique pure.
Dans
tous les cas, la formation hospitalière de l’imagerie médicale
passe totalement sous silence la partie managériale et
organisationnelle de la radiologie pourtant essentielle à la qualité
du service rendu .
En
effet, l'organisation hospitalière correspond à une formation
plutôt collective, mais coupée des réalités managériales et
gestionnaires qui sont confiées à l’administration hospitalière
et aux divers services qui la composent, le biomédical ,la
logistique ,les bâtiments, le service de gestion du personnel ,le
service comptable et financier. La facturation des actes et la
nomenclature des actes ne sont vraiment pas une des préoccupations
du médecin radiologue qui ne sait donc pas ce qu'il en coute sauf à
se voir refuser un exercice par le service comptable de l'hôpital .
Cette
dualité a conditionné le mode d'exercice
Cette
ancienne dualité de formation ,entre les CES destinés à l'exercice
libéral et les internes destinés à l'exercice hospitalier, a
disparu mais, il persiste bien cependant, dans l'avenir des
radiologues qui sortent de la formation actuelle un choix d’exercice
en pratique libérale ou publique .
En
cas d'exercice privé ou « libéral » ,le radiologue se
doit de tenir compte des réalités financières et
organisationnelles de son exercice . Cela n'intéresse pas
particulièrement le radiologue hospitalier dont la formation l'a
exclu de tout ce versant paramédical et cela même s'il exerce en
privé à l'hôpital ( il est rare qu’on lui présente les coûts
réels de sa pratique puisque tout cela est forfaitisé normalement
..et que la comptabilité analytique a encore beaucoup de progrès à
faire dans les hôpitaux .. )
Le
radiologue aujourd'hui, de formation hospitalière par l'internat et
le clinicat, s'il choisit (par défaut parfois) de s'installer en
« libéral », va devoir se former à tout un versant
fonctionnel auquel il n'est absolument pas préparé .
L'exercice
individuel de la radiologie n'est plus le fait que de quelques vieux
radiologues en voie d'extinction et les groupes de deux radiologues
sans accès à du matériel actuel d'imagerie sont probablement voués
à disparaître en l'absence de volonté de jeunes repreneurs compte
tenu de l'évolution démographique , des apports en capitaux de
départ et des contraintes budgétaires actuelles avec la dégradation
du prix des actes .Il faut aussi compter sur le temps d'exercice sur
les plateaux lourds scanner et irm pour comprendre que seul ,il ne
sera pas possible de laisser son cabinet ouvert sans surveillance
médicale .
Restructuration
rapide et évolution inéluctable
On
assiste donc depuis quelques années, avec une accélération rapide,
à une restructuration avec industrialisation de l'organisation
radiologique, compte tenu du régime de contrainte normative et
financière externe qui s'est aggravé fortement ces trois dernières
années .La FNMR fait son travail d'accompagnement de ces mutations
normatives et organisationnelles qui ne sont pas toujours bien
comprises de sa base .La mutation a été en effet brutale, forte
,souvent aveugle avec peu de concertation et sans visibilité
permettant une adaptation pro-active .De ce fait la résistance
passive existe,d’autant plus que les structures sont les plus
fragiles , mais elle ne fait que reculer les échéances et ne
résistera pas longtemps à un contrôle approfondi de sécurité et
des normes d'exercice .
On
peut ajouter que les contraintes de temps de travail entre, la
pratique radiologique intense (car le radiologue n'est payé que des
actes qu'il fait), la formation ,la gestion, l'organisation et les
réunions diverses avec administration, caisses et tutelles, tout
cela dans une démographie en berne, explique que l'exercice en
groupe organisé est l'unique voie possible.
En
voici une évolution possible et très probable . C’est une
projection avec l’accord et le travail de monsieur Bruno Zeller .
Evolution
des groupes de radiologues et de la démographie
Cela
conduit à des choix de restructurations parfois douloureux
accélérant aujourd'hui le départ des plus anciens et donc
dégradant encore la chute démographique .On ne sait pas très bien
ce que mesurent les statistiques qui incluent joyeusement cette
diversité de pratique quand on affiche un chiffre d'affaire des
Radiologues au top du hit parade …. Mais j'ai l'impression que
personne ne veut savoir, car ce chiffre arrange bon nombre de
personnes diverses, pas seulement les administratifs et le politique
mais aussi les confrères et des spécialités concurrentes plus ou
moins jalouses de la place et du cout de l'imagerie médicale .
L'exercice
de groupe est donc indispensable avec un minimum de deux pour assurer
la continuité et le partage des tâches .
Les
groupes de plus grandes tailles apparaissent de plus en plus du fait
des regroupements dans les villes plus ou moins grandes ,d'autant
qu'ils exercent sur des cliniques ou il faut assurer la continuité
des soins, les consultations externes et parfois le service d'urgence
.Leur organisation se rapproche des services hospitaliers avec des
spécialisations au sein de la même spécialité radiologique. Cette
augmentation du nombre de radiologues dans un groupe évolue
rapidement, il n'est pas rare de voir des groupes de 6, 8,10 15 voir
parfois 30 à 40 radiologues …
Ces
regroupements sont utiles pour faire face à la baisse de la
démographie radiologique, à l'efficience financière pour
rentabiliser des appareils de plus en plus couteux que sont les
tables numériques ,les scanners, les IRM, mais aussi les échographes
haut de gamme et les mammographes numériques .
Ces
regroupements sont aussi utiles pour l'évolution spécialisée de la
pratique radiologique, qu'il s'agisse du dépistage, de la radiologie
interventionnelle ,aussi bien que des spécialités d'organe
pneumologie gastroentérologie, cardiologie ,urologie, ORL et
neurologie, osteo-articulaire, pédiatrie, maxillo-faciale ou encore
et surtout la cancérologie . ..
Une
mutation obligatoire avec une forme d'industrialisation
On
le voit bien l'exercice radiologique a donc muté tout au long de ces
années d'un exercice solitaire généraliste vers un exercice
radiologique en groupe et de plus en plus spécialisé .
Tout
cela nécessite une organisation complexe ,réactive et de plus en
plus pointue sans faille . Il a fallu apprendre à s'organiser à
marche forcée vers une organisation industrialisée intégrant la
mise en œuvre d'outils de gestion et de management et/ou avec des
aides externalisés ou intégrés de comptables, de gestionnaires ,de
responsables RH et de juristes .
Certains
ont anticipé cette évolution en mettant très tôt en place un
management de groupe par la qualité au travers d'outils faits pour
cela comme les certifications ISO de service de type 9001 . Il faut
rendre hommage à la FNMR qui a compris assez tôt cette mutation et
qui a poussé les radiologues dans cette voie au travers d'un label
radiologique basé sur l'ISO, mais moins complexe et moins théorique
et plus facile a s'approprier. La FNMR publie également tous les ans
une mise à jour des obligations réglementaires et légales de
l'activité radiologique qui deviennent de plus en plus complexes et
contraignantes.
L'activité
de l'imagerie médicale se prête bien à la mise en œuvre de ces
outils de management ,en raison de processus séquentiels pouvant
être séparés en sous-processus maitrisables et contrôlables
compte tenu de la complexité des structures radiologiques
techniques, mais aussi juridiques et financières ..
Ainsi
on peut décrire un
« front-office » radiologique comportant
différentes sessions,
la
prise de Rendez vous, l'accueil et la circulation des patients, la
réalisation de l'acte radiologique jusqu'au compte rendu et à la
distribution des résultats ,la facturation des actes .
Cet
ensemble primaire doit être soutenu par des
processus de soutien que sont :
l'informatisation
du SIR,le processus achat, et l'ensemble des procédures de sécurité
touchant à la fois les patients, mais aussi les personnels
Il
reste évidemment dans tout cabinet ou service les
processus de base de la structure d'imagerie que
sont : la maitrise des locaux avec ses contrainte particulières
car recevant du public (classés ERP) et du matériel de haute
technicité , la gestion du personnel et les ressources humaines pour
sa gestion juridique, ses plannings et ses compétences, et enfin le
plateau technique qui doit aussi faire l'objet d'une gestion et d'un
contrôle strict interne mais aussi externe ,nécessitant parfois des
outils pointus comme un registre des dispositifs médicaux (RSQM)
avec ou non mise en œuvre d'une gestion du matériel assisté par
ordinateur (GMAO)pour les plus avancés .
Une
restructuration et mutation à haut risques :
Tout
cela fait, il reste à déterminer comment les radiologues ,qui
exercent en groupe, maitrisent l'ensemble de leur pilotage interne .
Comment gèrent-ils leurs projets, leurs évolutions, leurs choix
stratégiques et leurs coordinations entre eux et avec les autres
acteurs de soins autour d'eux que sont les cliniques, les hôpitaux,
les réseaux de soins etc .
Ils
leur faut donc trouver des statuts juridiques qui permettront
l'exercice en société et l'organisation contractuelles de ces
responsabilités. Ils peuvent le faire au travers d'un conseil
d'administration et des délégations de taches selon l'affinité et
l’appétence de chacun.
Cependant
au final, seule l'efficience de l'organisation ,pourra garantir la
pérennité de la structure .Assurément, la complexité de la tâche
et les trous dans la formation initiale du radiologue rendra cette
tâche de plus en plus compliquée .Il n'est pas facile de trouver
l'équilibre entre les formations et les compétences internes et la
recherche d'une professionnalisation plus intense et pertinente avec
des ressources externes .
Dans
certains pays anglo-saxons comme au Canada sous régime de
contraintes budgétaires fortes, même l'organisation publique a fait
une place au radiologue manageur de son service. Ces postes de chef
de service comportent de telles responsabilités élargies qu'ils ne
sont pas les plus prisés compte tenu des règles contraignantes de
fonctionnement assez éloignés de la pratique médicale plus
satisfaisante et plus valorisante .La France est encore assez loin de
ce modèle souvent mis en œuvre dans d'autres pays d'Europe du nord
en particulier .
En
privé ,le modèle n'existe pas encore, mais on voit bien dans
différents pays et dans certaines spécialités comme la biologie en
Allemagne ,l'organisation en holding ou en association de groupes
deviennent des mégas structures régionales au service d'une
organisation de soins au coût le plus bas … On peut redouter en
privé la main mise des capitaux ou de groupes capitalistiques qui a
l'instar de ce qui s'est passé en clinique seront le dénominateur
commun de ceux qui sont en difficultés .Il y a déjà des exemples
concrets en France qui n'ont pas l'air de poser beaucoup de problèmes
à nos hommes politiques .Mais cela posent pourtant la question de la
captation privée , voir purement financière d'une dépense médicale
financée pourtant par les fonds sociaux … cette dérive possible
devrait poser question faire l’objet d’un travail et de
propositions réglementaires de la part de nos politiques …Mais les
dernières élections n'ont pratiquement pas abordé ces questions de
l'organisation des soins en dehors des simplifications outrancières
habituelles privé/publique incapable d'aborder sereinement les
vraies questions cruciales pourtant peu nombreuses .
Une
étude de l'institut Montaigne démontre que la France possède une
organisation hospitalière très différente de la plupart des autres
pays européens . En effet, dans ces pays, la place la plus
importante du système hospitalier est représenté par le modèle
équivalent à celui des PSPH contractualisés avec obligation
d'équilibre des comptes . Les Hôpitaux strictement Publics ou
Privés à but lucratifs y sont beaucoup moins nombreux qu'en France
probablement par plus de pragmatisme et moins d'idéologie ...
Le
radiologue doit rester impliqué dans le management .
Si
la professionnalisation de la gestion devient inévitable ,il sera
pourtant utile et nécessaire de conserver une place importante au
radiologue et à sa vision stratégique évolutive de la radiologie
en restant proches du terrain. Il est en effet nécessaire de rester
à l'affut des besoins des patients et des correspondants mais aussi
proche des évolutions techniques et scientifiques pour que le
service rendu soit le plus adapté aux réalités complexes et
évolutives . Il faut aussi faire en sorte que ces services rendus
soit mesurables, évaluables et acceptables par la collectivité et
par les tutelles qui les représentent en tenant compte des besoins
de santé , de la qualité et de la sécurité des soins.
Il
sera tout aussi important d'éviter l'imposition d' indicateurs
purement comptables ou administratifs sans lien avec la réalité des
pratiques médicales .Par contre il sera sûrement obligatoire
d'étendre le service rendu radiologique sur des sites distants pour
permettre aux patients d'accéder à des soins de qualité et à de
l'expertise radiologique dans un contexte démographique très
défavorable en imagerie médicale .
Des
évolutions législatives et économiques ,déontologiques et
juridiques seront nécessaires pour accompagner cette révolution de
l'organisation des soins.
Les
associations de groupes en réseau seront peut-être demain un mode
d'organisation possible, réactif et souple, mais il faudra pour cela
qu'il y ait des adaptations législatives, déontologiques,
économiques et juridiques. La double lecture des mammographies
numériques seraient ainsi facilement réalisables entre des groupes
en ayant la compétence on adaptant l’organisation actuelle .Cela
nécessitera aussi d'avoir une vision politique du rôle et de la
place de l'imagerie médicale dans l'organisation des soins de demain
avec une organisation progressive et gradué de toute l’imagerie .
En effet, les réseaux d'images et la circulation des dossiers patients seront au centre de cette révolution des soins autour du patient et non plus autour des structures. Peu importera alors de savoir si cette structure est de gestion privée, publique ou mixte pourvu qu'elle réponde aux normes que la collectivité se sera données et qu'elle fasse vérifier ce fonctionnement par des tiers externes indépendants que sont les commissaires aux comptes et les auditeurs qualité .
L'efficience
du fonctionnement sera le maitre mot pour rétablir les comptes
publics .Pour cela il faudra plus de rigueur, plus de transparence
dans le fonctionnement compte tenu de la provenance des fonds sociaux
qui proviennent aussi bien de l'impôt, des cotisations sociales ou
même des assurances complémentaires diverses ...
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